23 Dec
23Dec

                Le 18 décembre dernier, au Palais de l’Assemblée du Peuple à Pékin, Xi Jinping, le président de la République Populaire de Chine, tenait un discours commémorant les quarante ans de la réforme économique et de l’ouverture du pays, lancée en 1978 par le parti communiste. A travers ce discours, Xi Jinping nous rappelle que ces réformes ont permis au pays de sortir de la pauvreté, des réformes qu’il juge courageuses et efficaces. Les chiffres vont également dans ce sens : le revenu moyen en Chine était de 171 yuans en 1978, il dépasse aujourd’hui les 26 000 yuans (ce qui représente un peu plus de 3 300 euros). Mais au-delà de la simple commémoration et du constat du recul impressionnant de la pauvreté dans le pays, Xi Jinping n’a pas manqué de clarifier ses idées en rappelant que la Chine est devenue une nation puissante, n’ayant aucune leçon à recevoir et faisant front “à l’hégémonie et à la politique du plus fort”, envoyant ainsi un message fort à l’Occident et notamment aux États-Unis. Pour autant, bien qu’il s’en cache encore, le dragon chinois s’inspire énormément de l’aigle américain et rêve de prendre sa place.

               D’ici 2020, la Chine prévoit de détrôner les États-Unis en devenant la première puissance économique et commerciale. Un objectif qui paraissait irréalisable il y a vingt ans et qui aujourd’hui semble à portée de main de l’Empire du Milieu. Mais les ambitions de la Chine ne se bornent pas au commerce et à l’économie. Sous l’impulsion de Xi Jimping, elle se verrait bien apposer son empreinte sur le monde entier et devenir seule la première puissance mondiale. Pour se faire, le dragon chinois l’a bien compris, il faut faire mieux que les États-Unis dans tous les domaines. Ce dragon n’a plus froid aux yeux et ne cache plus ses ambitions. Et s’il a longtemps évolué dans l’ombre des puissances occidentales et de son voisin japonais, le dragon chinois, pas à pas, assume son nouveau rôle de leader et entend orchestrer une nouvelle marche mondiale.

                Une nouvelle marche qui passe d’abord par une certaine conquête terrestre. Si les échanges commerciaux avec la Chine se sont multipliés à travers le monde depuis le début du XXIème siècle, la présence du dragon chinois se fait de plus en plus pesante. Que ce soit en Asie, en Afrique ou en Europe, l’Empire du Milieu élargit son influence et renforce ses positions. Avec l’obtention du port du Pirée en Grèce et d’une partie de l’aéroport de Toulouse en France, la Chine s’assure une présence certaine et profitable sur le vieux continent. Une présence qu’elle entend consolider, notamment via “les nouvelles routes de la soie” aussi connues sous le nom du projet OBOR (One Belt One Road), projet qui séduit et qui relierait par voie terrestre l’Europe et l’Asie Centrale à la Chine. En Afrique, la Chine entend promouvoir son idée du développement au détriment du modèle occidental. Les entreprises chinoises se déploient en masse sur ce continent pour construire toutes sortes d’infrastructures tandis que des terres sont promises au dragon chinois. Et alors que les banques occidentales ont du mal à prêter de l’argent à des régimes dictatoriaux, la Chine se présente comme une alliée évidente et bienvenue. La stratégie est claire : proposer des financements et une vision différente de la maintenant dépassée vision occidentale du monde. La Chine se mue en chef d’orchestre et le spectacle impressionne.

                  S’appuyant sur ses idéaux et sur sa puissance économique, l’Empire du Milieu tient également à se faire une armée à la hauteur de ses ambitions. Et les résultats sont là. En quatre ans, la Chine s’est dotée d’une flotte marine et sous-marine équivalente à celle de la France, l’objectif étant de combler son retard sur les États-Unis d’ici 2049 (centenaire de la création de la République Populaire de Chine). Depuis avril 2018, la Chine dispose d’un porte-avion entièrement fabriqué sur ses terres. Pékin a également déployé sa première base à l’étranger à Djibouti, devenant alors voisin des Américains sur place et estimant avoir son rôle à jouer dans la région. En Mer de Chine, les îles Spratley et Paracel sont devenues de véritables postes avancés pouvant déployer un arsenal non négligeable de missiles balistiques, ayant pour conséquence d’exacerber les tensions dans la région. Le contrôle de ces eaux, que la Chine estime historiquement chinoises, est devenue une priorité sous Xi Jinping sans pour autant vouloir provoquer une confrontation directe. Plus au Nord, des soldats chinois ont rencontré il y a quelques mois des soldats russes pour effectuer des exercices militaires communs, témoignant de la coopération accrue entre Moscou et Pékin et nous éclairant sur les prémices d’une possible alliance militaire.


                    Outre la Terre, l’Empire du Milieu veut également avoir son mot à dire dans l’espace. Les ambitions spatiales du dragon chinois sont telles que la Chine a rendu public ce qui s’apparente à une feuille de route allant jusqu’aux années 2040 (disponible sur le journal proche du pouvoir chinois, Global Times). On y trouve une série d’objectifs tant scientifiques que géostratégiques (ou spatio-stratégiques), le renforcement du système Beidou (équivalent chinois du GPS américain), l’exploitation minière d’astéroïdes, le projet d’une centrale solaire, le développement de navettes spatiales ou encore le recueil d’échantillons lunaires et martiens. Et si pour l’instant l’Empire du Milieu travaille sur l’exploration lunaire avec notamment l’exploration de la face cachée de la Lune fin 2018 et l’installation d’une base lunaire permanente d’ici 2030, l’objectif est bel et bien braqué sur Mars avec pour premier objectif d’y faire atterrir un rover en 2020 (faisant alors écho au programme américain Mars 2020 et au programme européen ExoMars 2020). La liste est encore longue et l’ambition spatiale chinoise s’étend au système solaire entier.

                  Ainsi, l’ambition du dragon chinois ne semble pas avoir de limite. Une ambition et des besoins auxquels le dragon chinois entend répondre en usant de tout ce qui est en son pouvoir, y compris l’espionnage. Si cette pratique n’est plus un secret en Occident, l’espionnage chinois est longtemps passé inaperçu et fait aujourd’hui trembler les services secrets occidentaux qui alertent sur les dangers que cela peut représenter. Dernièrement, le scandale autour de l’entreprise Huawei a fait couler beaucoup d’encre sans pour autant apporter de preuve quant à de possibles liens avec la République Populaire de Chine. En revanche, derrière ce scandale se cache une réalité : la Chine n’est pas en reste en matière d’espionnage. Récemment, en France, une note de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI) et de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) révélée par une enquête du journal Le Figaro nous informe que la Chine a approché pas moins de 4000 personnes via des techniques d’espionnage jusqu’alors peu connues du grand public. La Chine applique en effet la stratégie dite “du grain de sable” : elle n’envoie pas d’agent sur place pour recueillir un maximum d’informations, mais elle recrute plein de personnes sur le terrain (plein de “grains de sable”) qui en additionnant leurs informations permettent de recueillir un maximum de données. Pour se faire, les agents du renseignement chinois approchent leurs cibles via des réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn. Une fois le “contact établi”, la cible est invitée en Chine (à frais réduits voire tous frais payés) pour une réunion à la suite de laquelle elle sera “recrutée” par le Ministère chinois de la Sécurité d’État (MSE), le service civil de renseignement de la République Populaire de Chine. Ces cibles sont souvent de jeunes cadres à haut potentiel ayant de bonnes connaissances concernant la politique économique de leur pays. Ce système, efficace, permet ainsi au dragon chinois d’avoir quelques coups d’avance sur ses concurrents économiques. Un vaste programme d’espionnage qui risquerait de tendre les relations internationales et de rappeler au monde entier que cette pratique n’est pas réservée aux occidentaux.  

                 Ainsi l’Empire du Milieu entend bel et bien se retrouver au centre du monde, seul si possible. S’appuyant sur sa puissance économique et porteur d’une idéologie qui se démarque de celle des pays occidentaux, la conquête a déjà été amorcée et ce au-delà même des reliefs terrestres. Tous les stratagèmes sont bons pour imposer sa puissance et la Chine en est l’exemple même. L’avenir nous dira si elle aura atteint ses objectifs et si le dragon chinois aura su prendre le dessus sur l’aigle américain dans le ciel mondial.


Elouan Pacault

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