Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine en février dernier, l’exportation de pétrole représente l’une des principales sources de financement de la guerre. Selon le CREA, Centre for Research on Energy and Clean Air, l’exportation de pétrole a rapporté à la Russie 67 milliards d’euros depuis février, soit depuis le début de la guerre. Effectivement, ce pays, avec 10% des exportations mondiales de pétrole brut, est le deuxième plus gros exportateur derrière l’Arabie Saoudite et vendait, depuis quelques mois, le brut de l’Oural au-dessous du prix du marché. Et ce, dans le but de gagner de nouvelles parts de marché, la Chine et l’Inde. C’est en partie pour cela que l’Union Européenne a décidé, ce lundi 5 décembre 2022, d’activer un embargo sur le pétrole brut provenant de la Russie. Dès maintenant, l’acheminement de pétrole par voie maritime est interdit en Europe et à partir du mois de février 2023, cet embargo concernera l’ensemble des produits pétroliers : bruts et transformés. Il est possible de dire que l’embargo de l’UE représente la finalité d’un processus de sanctions qui a eu lieu depuis dix mois et qui a entraîné, jusqu’à ce jour, une chute des exportations du pétrole brut russe de 40% et des produits raffinés de 20%. En effet, les pays d’Europe réunis incarnent le premier importateur mondial de pétrole russe, donc cette décision de l’UE implique nécessairement une réduction massive du nombre d’exportations. Seul le pétrole acheminé par oléoduc sera autorisé sur le territoire de l’UE. Ce maintien peut être expliqué tout d’abord par la forte dépendance de la Hongrie et de de la Bulgarie au pétrole russe mais aussi par le fait que l’importation de pétrole par oléoduc représente une partie très marginale de l’ensemble des importations, à savoir 0,3 million de barils sur 1,4 million quotidiennement.
Au-delà de l’UE, ce sont tous les pays du G7, ainsi que l’Australie, qui ont décidé de prendre des mesures pour dissuader l’achat du pétrole russe : depuis ce vendredi 2 décembre, il a été statué que le prix du baril de pétrole sera plafonné à 60 dollars et que tout acteur qui déciderait de proposer un prix d’achat supérieur sera sanctionné. De même, les bateaux transportant des barils de pétrole russe à plus de 60 dollars ne seront plus assurés par les compagnies d’assurance. Cette mesure ne s’applique pas aux pays de l’UE, du fait de l’embargo, mais elle a pour but de restreindre encore davantage les recettes pétrolières de la Russie : notamment celles provenant de la Chine et de l’Inde. Les deux pays n’ont certes pas rejoint la mesure de plafonnement, mais il est certain qu’à court terme, celle-ci aura un impact sur leurs importations pour la simple et bonne raison que de nombreux armateurs et compagnies d’assurance ont leur siège dans un pays qui applique le plafonnement du prix du baril. Il n’est pas exclu, qu’à long terme, la Russie construise et utilise ses propres supertankers pour exporter son pétrole brut vers le continent asiatique mais encore une fois, cela ne se fera pas en un jour et pour le moment, la Russie semble être soumise, pour cette raison, à la législation occidentale. Les experts en relations stratégiques considèrent que le plafonnement du prix du baril de pétrole provient du souhait des Occidentaux de contraindre la Russie financièrement sans pour autant générer une asymétrie entre l’offre et la demande. Effectivement, sans le pétrole russe sur le marché, la production mondiale deviendrait insuffisante, le cours de cette matière première essentielle bondirait et par ricochet, un mécontentement au sein des sociétés serait à attendre.
L’une des grandes préoccupations à venir concerne tout de même le diesel. C’est un produit pétrolier raffiné et une hausse de son prix est à prévoir dès l’élargissement de l’embargo en février 2023, d’autant plus que ce dernier sera mis en place en même temps que la fin de l’aide du gouvernement français à la réduction du prix du carburant à la pompe. Ainsi, bien que l’UE ait déjà commencé à diversifier son approvisionnement en pétrole, notamment auprès du Moyen-Orient, de la Norvège, des Etats-Unis ou encore des pays émergents africains, et qu’elle ait annoncé de nouvelles possibilités de raffinage durant l’année 2023, la faible capacité de production de produits raffinés sur son territoire perdure et risque de l’exposer à l’inflation du prix du diesel. Cependant, il ne faut pas négliger le fait que le Vieux Continent importe désormais une grande partie de son pétrole de l’Inde ou de la Turquie et arrive à s’en tirer avec un prix raisonnable, c’est-à-dire autour de 80 euros. La décision de l’OPEP de ne pas réduire sa production de pétrole est aussi un point qui permet à l’UE de respirer un peu. La stratégie est donc claire : inciter les pays émergents à importer du pétrole russe à un prix plus faible pour réduire sa rente pétrolière et sa capacité de financement de la guerre en Ukraine puis dans le même temps, s’assurer l’importation de produits raffinés à des prix raisonnables. Voilà ici un équilibre bien recherché par l’UE.
La prudence reste le maître mot de cet embargo car en effet, la Russie a annoncé qu’elle n’hésiterait pas à mettre fin à toutes ses ventes de pétrole si son prix était très contraint. Cette déclaration explique le choix du prix du baril de pétrole à 60 dollars, bien plus élevé que le coût de production de l’or noir russe, afin de s’assurer que la Russie continue d’exporter du brut. Néanmoins, avec des exportations de gaz en perdition depuis février dernier, il semblerait que la Russie soit cette fois réellement affectée par l’embargo européen sur son pétrole.
Article rédigé par Marianne Assaf
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