Jair Bolsonaro : les vieux maux du Brésil refont surface
Le 28 octobre 2018, les brésiliens ont élu président Jair Bolsonaro, le candidat d’extrême droite aux penchants « trumpiens ». Cette élection signe la fin du règne du Parti des Travailleurs de Lula (PT) sur le Brésil, une ère marquée aussi bien par l’émergence d’une classe moyenne brésilienne que par une corruption endémique.
Une élection qui signe le retour de l’armée en politique
Ce mardi 13 novembre le président annonçait sur Twitter la nomination du Général Fernando Azevedo e Silva au poste de ministre de la Défense. C’est le troisième militaire nommé ministre par Mr Bolsonaro, alors que ce dernier a décidé de réduire le nombre ministre au gouvernement. Les civils se retrouveront bientôt en minorité à ce rythme, ce que dément lors d’une cérémonie le général Eduardo Villas Bôas, commandant en chef de l’armée. Il affirme que « l’armée est apolitique et sans parti ». Rappelons qu’historiquement, l’armée a joué un rôle important en tant que police politique, bien qu’indépendante de tout parti politique. Les militaires ont également fait un coup d’État en 1964 et ont mis en place une dictature qui a duré 20 ans (Jusqu’en 1985). Le caractère apolitique soutenu par le commandant en chef actuel est ainsi une caractéristique nouvelle de l’armée brésilienne, qui reste clairement à confirmer.
L’expérience précédente de l’armée au pouvoir a de plus laissé un bilan en demi-teinte. Planificateurs, les militaires ont organisé la croissance brésilienne et agrégé les organes de production du pays. Par exemple, le secteur agricole a bénéficié d’investissements déterminants dans la R&D ainsi que de nombreux financements. Les militaires furent à l’initiative d’un réseau routier efficace et de l’exploitation accrue des richesses du sol amazonien. L’ombre au tableau fut la faible inclusivité de ce dynamisme économique. Bien que bénéfique aux investissements des multinationales étrangères et très rémunératrice à court-terme, l’exportation de matières premières ne permit pas la redistribution des richesses, observée dans les pays asiatiques industriels à l’époque.
Réputés pour faire régner l’ordre, les militaires ne réussirent pourtant pas à faire baisser le taux de criminalité au Brésil qui était, et reste aujourd’hui, l'un des plus élevés au monde. En 4 ans, le nombre d’homicides au Brésil a été plus important que le nombre de morts dus à la guerre en Syrie (160 morts par jour).
L’ultra-libéralisme risque d’anéantir les progrès enregistrés depuis 30 ans
Depuis son arrivée au pouvoir en 2002, le Parti des Travailleurs de Lula (PT) s’est efforcé de mener une politique d’inclusion sociale et d’industrialisation du pays. D’une part, les inégalités se sont réduites selon le coefficient de Gini, estimé à 0.6 en 2000 et à 0.51 en 2016. D’autre part, des géants industriels brésiliens sont nés, soutenus par l’État, et sont des moteurs économiques nationaux. Dès lors, des entreprises de tailles moyennes se sont créées dans l’agrobusiness régional et ont participé au désenclavement progressif de l’intérieur des terres. L’économie brésilienne a enclenché sur les dix dernières années une restructuration en profondeur grâce à l’implication majeure de l’État brésilien.
Cependant, le gouvernement actuel n’entend pas suivre cette ligne mais plutôt opérer un changement de cap radical vers le libéralisme. Un tel changement pourrait porter préjudice à ces nouvelles structures qui évoluent aujourd’hui dans un environnement privilégié, protégés par l’État brésilien. À titre d’exemple, la privatisation des organes étatiques prévues par Mr Bolsonaro reviendrait à priver l’État de son contrôle sur l’économie, à réduire les prestations sociales qui souffrent déjà d’un manque de subvention.
Gautier Galouzeau de Villepin