17 Jun
17Jun

     « Aucune nation qui a pour ambition d’occuper une position de leadership, ne peut rester à la traîne dans la conquête spatiale ». C’est en ces mots que John Fitzgerald Kennedy évoque la place de l’espace dans les relations de puissances et dans la géopolitique mondiale. On constate qu’au début on ne parlait pas de coopération mais plutôt de conquête spatiale. Mais au fur et à mesure que l’espace ne devient plus une terra incognita, une coopération se met progressivement en place même si nous pouvons aujourd’hui constater des relents d’oppositions et d’affrontements entre certaines puissances. Initialement, la conquête/coopération spatiale répondait à un objectif militaire mais touche maintenant de plus en plus de domaines sociaux et environnementaux.

     Mais dès lors, pour des raisons d’indépendance nationale, économique et de prestige, l’Espace redevient-il le théâtre d’une compétition effrénée où s’affirment les ambitions des grandes puissances ? Ou alors peut-on aujourd’hui le considérer comme un exemple parfait de coopération internationale ?

     Il semble que coopérations et affrontements cohabitent dans cette zone que l’Homme entend s’approprier.


L’espace: enjeu commun de l’Humanité

     Depuis 1967 et le traité onusien sur l’espace, ce nouveau front pionnier est présenté comme un patrimoine commun de l’Humanité qui nécessite une coopération internationale. Cependant, ce traité ne possède qu’une valeur déclarative. Il revient alors aux états de choisir s’ils veulent coopérer ou non dans cette conquête/découverte spatiale. Il ne suffit pourtant que de considérer l’exemple de la station spatiale internationale (ISS) pour voir que la coopération n’est pas qu’une affaire de paroles et de bonnes volontés. En effet, depuis 20 ans, l’ISS voit passer de nombreux astronautes venant d’Europe, de Russie, du Japon ou des Etats-Unis. Le plus impressionnant est que, malgré les multiples crises politiques qui ont pu se développer, la coopération autour de l’ISS n’en a pas pâti. A l’origine du projet en 1984, le président Reagan déclare alors que « La NASA invitera d'autres pays à participer, afin que nous puissions renforcer la paix, la prospérité et élargir la liberté de tous ceux qui partagent nos objectifs ». Il faut attendre 1998 pour que l’ISS commence sa construction. Elle s’achèvera en 2011. Mais ce programme spatial international marque une rupture avec les programmes spatiaux nationaux qui faisaient rage pendant la Guerre Froide.

     Cette coopération est facilitée par l’organisation du travail dans l’ISS. En effet, chaque astronaute, et donc chaque pays, est chargé d’une partie de la station spatiale. C’est pourquoi chaque nation prenant part n’a pas d’intérêt à mettre en danger la vie des astronautes. Néanmoins, même si la coopération est de mise, une compétition se développe. Les expériences scientifiques et les agences spatiales nationales essaient de gagner du terrain sur les autres. Même si « la politique ne se répercute pas dans l’espace », d’après George Abbey, ex-directeur du Centre spatial Lyndon B. Johnson de la NASA et chercheur en politiques de l'espace de l'Institut Baker, il semblerait que l’espace n'échapperait pas aux revendications de puissances et aux confrontations internationales.


La territorialisation croissante de l’espace, un nouvel espace d’affrontement des puissances

     Le 23 avril débutait l’aventure spatiale de l’astronaute français Thomas Pesquet dans l’ISS, alors que celle de la Russie se finissait. En effet, à cette date symbolique, Moscou a annoncé qu’elle ne prendrait plus part à la coopération scientifique à partir de 2025. Difficile de ne pas y voir l’extension du domaine des affrontements idéologiques entre l’Occident et la Russie au domaine spatial. Pour la Russie et Vladimir Poutine, c’est le soft power face au géant américain qui est en jeu. Mais cette décision pragmatique et stratégique de la Russie vise à rendre la gloire d’antan à la Russie, l’expert des vols habités. L’ISS devrait ne plus opérer après 2025 et la Russie veut se placer d’ores et déjà en chef de file de la prochaine coopération spatiale. Moscou annonce aussi vouloir tendre la main à de nouveaux acteurs qui aspirent depuis longtemps à prendre part à la coopération scientifique et spatiale comme La Corée du Sud ou encore l’Afrique du Sud. Mais Poutine pourrait aussi se joindre à Pékin qui veut aussi construire une station spatiale. Ce serait alors un nouveau domaine d’affrontement entre un Occident qui perd de son éclat et les puissances révisionnistes qui cherchent à rayonner parmi les étoiles. 

     Depuis 2013 et l'avènement de Xi Jinping à la tête de la Chine, “le rêve chinois” est l'idéal développé par le PCC (Parti Communiste Chinois) pour que la Chine devienne de nouveau une puissance globale. Une des composantes de ce rêve est le domaine spatial. Mais cette aspiration ne semble pas être restée au rang de simple paroles. Fin avril 2021 la Chine a lancé le premier module de sa future station spatiale CSS (China Space Station). En effet, faute d’avoir accès à l’ISS à cause du refus américain, la Chine est obligée de développer son propre programme spatial. L’objectif clairement affiché dans le domaine spatial est de voir les taïkonautes chinois fouler le sol de la Lune à l’horizon 2030, et d’ici là développer un partenariat avec la Russie pour une station lumière. 

     Il faut néanmoins relativiser l’impact et la montée des autres projets spatiaux. Les moyens mis en œuvre sont bien loin de ceux mis en œuvre pour l’ISS depuis sa création. Par exemple, la CSS devrait être trois fois plus petite que l’ISS actuelle. Mais pour certains observateurs, les programmes spatiaux développés par la Russie et la Chine possèdent deux finalités: la recherche scientifique mais aussi des programmes militaires secrets qui peuvent inquiéter…

     Dès lors, l’espace cristallise à la fois les revendications de puissance mais aussi la coopération internationale. A l’image des espaces maritimes terrestres, ils subissent de plus en plus une territorialisation qui peut croître et accentuer les tensions qui existent au-delà du domaine spatial. On y retrouve la confrontation Orient/Occident qui se développe ces dernières années sur terre mais qui risque de s’étendre de plus en plus dans les étoiles. Néanmoins, la coopération scientifique dans l’objectif de rejoindre Mars dans les 20-25 prochaines années semblent motiver toutes les nations et semble échapper à la classique opposition idéologique.


                                                                           Guillaume Thouvenot


Sources:


http://www.slate.fr/audio/new-deal/etats-unis-peuvent-ils-gagner-guerre-des-etoiles-espace-spatial-nasa-fusee-76


https://www.lopinion.fr/edition/international/tensions-entre-chine-l-occident-se-ressentent-jusque-dans-l-espace-242456


https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20210423-pourquoi-la-russie-veut-quitter-l-iss-pour-construire-sa-propre-station-spatiale


https://www.lepoint.fr/sciences-nature/iss-20-ans-de-cooperation-en-orbite-21-11-2018-2273360_1924.php

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