04 Dec
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Un tournant politique

Cinq mois après sa victoire avec 53% des votes le 1er juillet 2018, Andrés Manuel Lopez Obrador dit AMLO est devenu président du Mexique. Cet ancien maire de Mexico qui a battu son principal adversaire de plus de 30% représente un tournant dans l’histoire politique du Mexique, qui depuis plus de cent ans n’a vu que des présidents issus du PAN (Parti d’Action nationale) et du PRI (Parti révolutionnaire institutionnel), dont le président sortant Enrique Peña Nieto provient. AMLO a créé son parti Morena en 2014, qui détient désormais la majorité dans les deux chambres du congrès.


Lors d’un discours durant plus de 1h35, sur la place principale de la capitale, le Zocalo et devant des invités comme le roi d’Espagne Felipe VI, Mike Pence ou Ivanka Trump, AMLO a démontré en quoi son élection entamait « la quatrième révolution du Mexique ». Le président a alors fait de son investiture un rituel de purification avec des encens et des plantes traditionnelles. Il tenait en main le bâton de commandement, symbole du pouvoir pour les peuples indigènes.

Le Mexique que laisse Enrique Peña Nieto et ses défis

Le président sortant laisse le pays avec une côte de popularité plus faible que jamais due aux nombreux défis qu’il n’a pas su résoudre. Le premier et le plus important pour AMLO est celui de la corruption. En effet, selon Transparency international, le Mexique est classé 135 sur 180, le pire classement des pays du G20 et de l'OCDE. Pena Nieto a lui-même fait l’objet de cas importants de corruption comme le cas Obredecht, lorsque son responsable de campagne présidentielle, Emilio Lozoya a été accusé d’avoir touché 10 millions de dollars de l’entreprise brésilienne ou le cas Casa Blanca qui concerne directement sa femme. Le leader de Morena fait de la corruption son principal combat.

Le second, est celui de la violence croissante au Mexique. Pena Nieto lui-même n’a pas réussi à diminuer ce fléau même après le cas des étudiants disparus à Iguala. En effet, 43 étudiants qui se rendaient à une manifestation en septembre 2014 avaient disparu et leurs corps ont été retrouvés en morceaux des années plus tard. Des arrestations ont été mises en place mais n’ont mené à aucune incarcération. Cette violence est d’autant plus forte que la lutte contre la drogue s’est avérée inefficace et n’a pas empêché la mort de 220 000 personnes depuis 2006.

Ensuite, lors du mandat de 6 ans de Pena Nieto, ce dernier n’a pas réussi à changer la vie des 53 millions de mexicains qui vivent en situation de pauvreté. AMLO à l’inverse a basé sa campagne sur le slogan « les pauvres d’abord » et a fait de la lutte contre les inégalités une de ses priorités.


La situation économique s’est également aggravée durant sa présidence, avec un dollar américain valant 13 pesos mexicains au début de son mandat contre 20 pesos à la fin de son mandat. Cependant, ce défi s’annonce des plus compliqués pour son remplaçant qui n’a pas la confiance des investisseurs. En effet, son élection inquiète les experts financiers qui constatent une baisse de 1/5 du marché boursier depuis octobre dernier. C’est pourquoi la présentation du budget du nouveau gouvernement le 15 décembre suscite une grande appréhension.

Enfin, AMLO doit faire face à la pression qu’exercent les Etats-Unis au regard de la crise migratoire. Si Pena Nieto lui avait tenu tête en affirmant que le Mexique ne paierait pas le mur que Donald Trump souhaitait construire, AMLO lui s’affirme comme défendeur des migrants d’Amérique latine et souhaite entrer en négociations avec les Etats-Unis et le Canada pour les aider à reconstruire leurs vies.

La quatrième transformation du Mexique

Andrés Manuel Lopez Obrador souhaite réformer pour réussir à placer « arriba los de abajo », c’est-à-dire à remonter les pauvres à la place des riches. Pour cela, il souhaite lutter contre la corruption qui donne des avantages injustes aux riches, qui deviennent encore plus riches et rendent les pauvres encore plus pauvres. Durant son discours d’investiture il a annoncé qu’il commençait la réforme de corruption par celle de la politique. C’est pourquoi AMLO a diminué son salaire de 60% et a annoncé la vente de l’avion présidentiel. Il décide également d’abandonner la résidence présidentielle de Los Pinos et de vivre dans sa maison au sud du Mexique.

Le président élu veut que le peuple décide des changements structurels, c’est pourquoi il base sa politique sur des « consultas » où il demande l’avis du peuple sur les changements. Cependant, les dernières consultas n’ont été votées que par 1% de la population. Par exemple, la création d’un « train maya » dans la péninsule du Yucatan, reliant tous les sites historiques des peuples indigènes a été validée lors d’une consulta citoyenne. De plus, au bout de deux ans, le président se soumettra au principe de la révocation du mandat. Une consulta sera votée pour que le peuple décide s’il reste en poste ou non.

Un des grands changements apportés par le président Pena Nieto était la réforme de l’éducation, qui proposait de remettre en jeu les postes des professeurs des écoles, qui bien souvent avaient hérité de leur poste. Cette réforme sera annulée par AMLO qui lui voit le changement par des aides financières. Il propose de donner 800 pesos par mois, l’équivalant de 35 euros, à tous les étudiants issus de familles pauvres. Il prévoit également 2400 pesos mensuels, soit l’équivalent de 105 euros pour 300 000 étudiants dans les universités publiques à travers le pays.

Face à l’insécurité intenable de certaines régions du pays, AMLO propose la création d’une garde nationale contenant 50 000 personnes. Quant aux cartels de drogue meurtriers, le président élu a proposé une loi permettant la légalisation du cannabis.

Enfin, pour aider à sortir ces 53 millions de pauvres de leur situation, le salaire minimum sera augmenté. Celui-ci est actuellement de 2100 pesos soit environ 100 euros. Au début de son discours au Zocalo, AMLO s’est promis de considérer une attention particulière aux indigènes mexicains, qui représentent 7% de la population et sont les habitants les plus pauvres du pays. Un plan pour la reconstruction et l’aide aux victimes des séismes, fréquents au Mexique, va également être mis en place par le président élu. Ce dernier a également l’intention de créer un système de santé gratuit et accessible à tous « comme celui au Canada ou dans les pays nordiques ».


Sarah d'Anjou

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