La COP26 s’est clôturée le 12 novembre 2021, et avec elle est parue la version finale du Pacte de Glasgow. Néanmoins, cette version finale ne mentionne aucunement le mot « nourriture ». Pourtant, un constat simple s’impose : la production alimentaire joue un rôle crucial dans le réchauffement climatique. Elle représente aujourd’hui environ un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES).
Bien qu’à première vue il semblerait que l’industrie agro-alimentaire ait été laissée de côté lors des négociations, certains paragraphes du Pacte devraient l’affecter, notamment ceux concernant la restauration et protection des écosystèmes et de la biodiversité ainsi que celui qui appelle à la réduction d’émission de méthane.
Un élément clé pour ce secteur, qui aurait dû paraître à cette COP26 mais reporté à la COP27 à cause de retards dus à la crise sanitaire liée à la COVID-19, est le Koronivia Joint Work on Agriculture. En quoi, cette décision issue de la COP23 ouvre-t-elle la voie à des progrès dans la lutte contre le réchauffement climatique ?
Historiquement, les projecteurs ont été braqués sur les secteurs de la mobilité et des énergies, que ce soit au cœur des débats diplomatiques, dans la conscience collective ou dans les médias. L’agriculture restait tapis dans l’ombre alors que c’est un secteur majeur émetteur de GES. À cela s’ajoute les querelles sur les priorités à aborder dès lors que l’agriculture était mentionnée, avec des disparités et désaccords marqués entre les « pays développés et les pays en voie de développement » (*termes employés dans le KWJA).
Désormais, non seulement le Koronivia Joint Work on Agriculture met ce secteur en lumière par rapport aux thématiques du développement durable, il permet un travail collaboratif international pour répondre aux enjeux du XXIe siècle.
Deux organes subsidiaires de la COP de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) sont responsables du KWJA :
Les premiers échanges d’opinions sur l’agriculture ont été impulsés par le SBSTA. Ils datent de la 17ème Conférence des Parties en 2011, mais c’est réellement six années plus tard, à la COP23, que le SBSTA et le SBI ont été chargés d’examiner conjointement les questions relatives à l’agriculture, notamment dans le cadre d’ateliers et de réunions d’experts, en prenant en compte les vulnérabilités de l’agriculture aux changements climatiques et les modes d’examen des questions de sécurité alimentaire.
Lors de cette COP23, les premiers échelons concrets ont été donnés :
Définir les modalités de mise en œuvre des décisions prises lors des ateliers de session collaborative ; l’évaluation des progrès, de l’adaptation et de la résilience ; de la qualité des sols et de la gestion des ressources en eau ; amélioration des intrants et de la gestion des élevages pour viser une meilleure durabilité et résilience des systèmes agricoles ; et enfin la prise en compte de la dimension socioéconomique et de la sécurité alimentaire.
Plus succinctement, le KJWA entend aborder des sujets spécifiques issus de tous les secteurs de l’agriculture. Ces sujets concernent la fertilité des sols, la gestion du bétail, des nutriments et de l'eau, la sécurité alimentaire et les impacts socio-économiques du changement climatique.
Le Koronivia Joint Work on Agriculture explore des mesures concrètes pour amoindrir l’impact de l’agriculture sur le changement climatique, à commencer par une allocation de budget pour que les pays disposent des outils nécessaires à l’adaptation au changement climatique sans les accabler. En effet, le KJWA a accès aux instruments financiers alloués de la CCNUCC tels que l’Adaptation Fund, le Least Developped Countries Fund, le Special Climate Change Fund ou encore le Green Climate Fund.
De plus, le KJWA travaille sur l’élaboration d’indicateurs standardisés afin d’assurer une évaluation et un suivi rigoureux et réguliers des progrès de l’adaptation de l’agriculture au changement climatique à l’échelle mondiale.
Le modèle d’ateliers et de réunions d’experts prévus dès la COP23 a favorisé les échanges de connaissances et de technologies entre les nombreux acteurs du dialogue. Les parties concernées par l’agriculture, si ce n’est la chaîne de production alimentaire entière, sont en effet multiples et multiformes ce qui complexifie davantage les progrès dans ce secteur quant à la préservation de l’environnement et sa pérennité. Le format de dialogue prévu par la feuille de route du KWJA est favorable aux échanges de bonnes pratiques et innovations entre pays et types d’acteurs, notamment des connaissances partagées par les peuples indigènes. Lors de son désormais fameux discours à la COP26, la nouvelle figure de proue de la défense de l’Amazonie, Txai Surui a justement souligné le rôle de cette minorité et leur volonté de participer aux débats : “Les peuples indigènes sont en première ligne de l’urgence climatique et nous devons être au centre des décisions qui sont prises ici. Nous avons des idées pour repousser la fin du monde”. Ces idées et celles de divers nouveaux acteurs devraient résulter en des décisions innovantes et transversales.
Une des caractéristiques des COP est qu’elles sont inclusives, c’est-à-dire que les pays sont censés être au même niveau, que ce soit un géant économique, un pays dont l’économie est primaire ou même une île menacée d’eustatisme. De plus, les décisions finales sont acceptées unanimement. De là, surgissent des problématiques capitales : les clivages Nords-Suds persistent encore et certains pays peuvent faire barrage aux Accords finaux. Ceci est d’autant plus avéré concernant l’agriculture avec une fracture entre les pays qui cherchent un retour à l’agriculture durable et ceux dont l’économie dépend entièrement de ce secteur et pour qui une mauvaise récolte serait synonyme de crise possiblement mortelle.
Le KWJA pourrait logiquement encourager un retour à l’agriculture durable qui cherche l’optimisation de toutes les ressources, le maintien de la biodiversité comme une force et une aide, le recyclage des déchets verts dans la logique circulaire des traditions agricoles ancestrales. Néanmoins, grâce aux espaces d’échanges qu’il incite, de nouvelles voies innovantes pourraient mener à des alternatives qui conviendraient aux différentes parties.
En définitif, le Koronivia Joint Work on Agriculture ne provoquera d’effet que s’il donne lieu à des actions et mesures concrètes à suivre. Si les États restent dans une posture de reconnaissance des objectifs plutôt que dans l’action elle-même, les solutions aux problèmes soulevés et résolus par le KJWA seront vaines. Comme toute action de la lutte contre le réchauffement climatique, le progrès passera par l’action et la mise en œuvre des mesures prises ; reste à découvrir les résultats de tous ces dialogues à la COP27 à Sharm El-Sheikh qui incorporera peut-être davantage d’éléments liés au secteur agro-alimentaire friand d’émissions de GES.
Valentine Devimeux – 26/11/2021
Rapport de la Conférence des Parties sur sa vingt-troisième session, tenue à Bonn du 6 au 18 novembre 2017 - Décision 4/CP.23
https://unfccc.int/topics/land-use/workstreams/agriculture#eq-1
https://unfccc.int/process/bodies/subsidiary-bodies/sbi
https://ourworldindata.org/emissions-by-sector#agriculture-forestry-and-land-use-18-4
https://www.geo.fr/environnement/agriculture-durable-definition-principes-et-enjeux-193859
https://bonpote.com/cop26-succes-pour-les-uns-condamnation-a-mort-pour-les-autres/