17 Nov
17Nov

     Le 8 novembre 2022 était un jour décisif pour les Américains. En effet, il s’agissait du jour officiel des élections de mi-mandat (qui avaient débuté avant dans certains États, grâce au vote par correspondance, sujet de débat entre les deux partis), qui ont permis de renouveler l’intégralité de la Chambre des Représentants (435 sièges) et un tiers du Sénat (35 sièges sur 100) : ces deux chambres forment le Congrès américain, qui est le pouvoir législatif aux États-Unis, dans le système des "Checks and Balances". Ces élections ont aussi permis d'élire de nombreux représentants locaux tels que les shérifs. Ces élections sont décisives pour le président démocrate actuel Joe Biden, puisque, selon les majorités qui ont été obtenues dans les différentes chambres, vont légitimer ou non sa politique débutée depuis 2021. Elles possèdent aussi de réels enjeux idéologiques entre les deux partis, qui vont s’avérer déterminants pour le futur de la société, à une échelle nationale et internationale.

     Alors que ces élections sont habituellement un vote sanction pour le président effectif, les résultats ont donné un court avantage aux Républicains à la Chambre des représentants, puisqu’ils ont obtenu la majorité des sièges. Ils ont confirmé leur domination dans de nombreux états, comme la Floride qui en 2020 était encore considérée comme un "swing state", avec la réélection du gouverneur Ron DeSantis, perçu comme un nouveau "Donald Trump", et qui pourrait bien le rivaliser pour les prochaines élections présidentielles de 2024. La Chambre des Représentants n’est donc pas seulement contrôlée par des républicains : de nombreux Républicains sont fidèles à l'ancien président Trump, et ont notamment été élus avec son soutien. Néanmoins, les Républicains n’ont gagné qu’une légère majorité, ce qui instaure une forme de cohabitation, habituelle lors des midterms.

     Au Sénat, les Démocrates possèdent déjà 50 sièges contre 49 pour les républicains : un siège en Géorgie reste vide puisqu’aucun des 2 candidats n’a obtenu les 50% de voix requis, donc un second tour est organisé le 6 décembre prochain. Le camp présidentiel garde donc la majorité, en raison du pouvoir de vote supplémentaire apporté par la vice-présidente Kamala Harris. Ainsi, la "vague rouge" qui était annoncée par les Républicains, et notamment par leur chef de file Donald Trump, est loin de s’être produite.

     Ces résultats ne donnent donc pas une franche majorité à l’un des deux partis, ce qui est révélateur d’une forte division et polarité politiques aux États-Unis. La politique débutée par Joe Biden depuis 2021 n’est donc pas totalement remise en question mais ne fait pas l’objet d’une unanimité. Le président va donc devoir mener la fin de son mandat en jonglant entre compromis, accords et affirmation claire de ses idées politiques, plus spécifiquement dans un contexte de fortes tensions et instabilités internationales et économiques.

     Ces midterms représentent un enjeu décisif pour le futur de la politique et de la société américaine. Par exemple, depuis que la Cour Suprême a annulé, en juin, l’arrêt Roe v Wade (qui garantissait le droit à l’avortement), les restrictions se sont multipliées, avec 13 états qui l’interdisent déjà totalement, et alors même que 60% des Américains estiment que l’IVG doit être autorisée dans la plupart des cas, voire tous. L’avortement est donc devenu un "cri de ralliement" pour certains démocrates, qui ont cherché à faire basculer de leur côté des électrices républicaines ou indépendantes, puisque la campagne a largement été axée sur ce sujet, Joe Biden avait même promis d’inscrire le droit à l’IVG dans la loi fédérale si son parti l’emportait. Cette question a pu faire naître une envie d’engagement chez certaines femmes avec une nouvelle génération de femmes dans la classe politique, puisqu'elles sont plus nombreuses à concourir, avec 25 pour un poste de gouverneur. Par ailleurs, 5 États avaient organisé des référendums sur l’avortement : le Michigan, le Vermont et la Californie vont inscrire le droit à la liberté reproductive dans leur Constitution tandis que le Kentucky et le Montana refusent l’instauration de mesures restrictives. Ainsi, les problématiques sociales et sociétales sont au cœur du débat actuel. La majorité républicaine acquise à la Chambre des Représentants va-t-elle rendre difficile les volontés de changements des Démocrates, voire aggraver le fossé et les revendications idéologiques républicaines ?

     Les problématiques économiques actuelles, comme l’inflation, qui engrangent de fortes difficultés pour les ménages américains, notamment les plus modestes, sont apparues comme l’un des sujets les plus préoccupants pour les électeurs. Cependant, de nombreux élus Républicains sont décidés à s’opposer au relèvement du plafond de la dette publique, ce qui pourrait augmenter le risque d’un défaut de paiement au niveau fédéral et faire planer la menace d’un krach financier mondial. Ainsi, les Républicains cherchent à paralyser l’administration Biden sur tous les sujets, mais n’ont pas forcément pris la mesure des problèmes des américains dans leur vie de tous les jours.

     Enfin, la protection de la démocratie a aussi été présentée comme un des points majeurs lors de ces élections. En effet, nombreux sont les candidats Républicains, au poste de gouverneur ou de sénateur, à ne toujours pas reconnaître la victoire de Joe Biden aux élections présidentielles de 2021 et sa légitimité. Sur les 10 gouverneurs de la Chambre des Représentants qui ont voté en faveur de la destitution de Trump après l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, seuls 2 étaient candidats. Une partie du camp républicain présent au Congrès sera plus unie derrière son actuel leader Donald Trump, tandis que l’autre dénonce, au contraire, la radicalité de ce dernier qui aurait empêché les républicains de largement l’emporter. Néanmoins, bien que 71% des électeurs jugent la démocratie en danger (selon une étude menée par The New York Times et Siena College), seulement 7% y voient le problème le plus important auquel le pays est confronté.

     Ainsi, ces élections, en demie teinte pour les deux partis, vont rendre la gouvernance de Joe Biden difficile pour cette fin de mandat. Les enjeux économiques, sociaux et politiques s’accumulent, et la perspective des élections présidentielles de 2024 se dessine. Ces midterms étaient donc seulement une première étape pour l’avenir politique des Etats Unis. Les républicains vont-ils continuer à s’affirmer derrière Donald Trump, candidat aux présidentielles de 2024, ou se ranger derrière Ron DeSantis, moins controversé pour le moment ? Joe Biden réussira-t-il à réunir son camp en cette fin de mandat, alors que le début n’a pas fait l’unanimité ? La course pour l’élection de 2024 est maintenant lancée.

Article rédigé par Diane Briquet


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