Retour sur les manifestations qui ont lieu depuis septembre et ce qu’elles pourraient signifier pour le futur du pays
La mort de Mahsa Amini, âgée de 22 ans, à la suite de son arrestation par la police des mœurs qui jugeait sa tenue inappropriée, a lancé une nouvelle vague de manifestations dans tout le pays et la jeune femme est alors devenue un des visages de ces revendications. Les manifestations sont d’une forte intensité : des femmes protestent sans voile, certaines le brûlent, il y a des affrontements avec la police qui procède à de nombreuses arrestations et lors desquels plusieurs personnes sont décédées. Très vite, les manifestations prennent une ampleur internationale et on assiste à des vagues de soutien du monde entier sur les réseaux sociaux. Néanmoins, le régime autoritaire d’Ebrahim Raïssi continue de réprimer les manifestations et de nier toutes incriminations des occidentaux en les accusant même d’être responsables des manifestations et de vouloir semer le trouble en Iran.
Les événements ont pris un tournant lorsque le procureur général iranien a annoncé, le 3 décembre, la dissolution de la brigade des mœurs. Néanmoins, des arrestations pour non-port du voile ont toujours lieu et les manifestations continuent sur leur lancée. Aussi, il est important de rappeler que les manifestations auraient provoqué l’arrestation de 18 000 personnes et le décès de près de 500 autres. Il semble qu’il n’y ait alors pas de relâchement de la pression de la part du gouvernement et cette annonce aurait même peut-être été faite uniquement dans le but de calmer les populations mais aussi les sanctions de l’Occident, et notamment des Etats-Unis qui avaient mis en place des sanctions économiques contre la police des mœurs et contre des responsables de sécurité dans le pays. De plus, il semblerait même que la répression s’intensifie dans le but de faire peur aux manifestants. Mohsen Shekari, âgé de 23 ans, a été la première personne ayant été arrêtée pendant les manifestations et à être exécutée par le gouvernement : il est devenu par la même occasion un autre visage de celles-ci. Cette condamnation à mort a provoqué des réactions à l’international, les divers gouvernements s’opiniâtrant devant l’absence de respect des droits de l’homme dans le pays. Le gouvernement s’en prend également maintenant aux personnalités iraniennes connues pour montrer à la population de quoi il est capable en termes de répression. Le rappeur Saman Seydi et le footballeur Amir Nasr-Azadani sont par exemple tous deux menacés d’être exécutés pour avoir montré leur soutien aux manifestants iraniens.
Malgré la forte répression, les manifestations continuent partout dans le pays et sont portées par la jeunesse et notamment les étudiants et étudiantes qui aspirent à un changement de régime et un assouplissement des lois dans leur pays. Le slogan « Femme, vie, liberté » est devenu un symbole de ces manifestations en Iran et montre la volonté des jeunes et des femmes du pays à changer de vie. Ce slogan montre en quoi les femmes veulent reprendre leurs libertés et leurs droits dans un pays qui les a considérées depuis de nombreuses années comme des citoyens de seconde zone et qui a exercé contre elles une répression incommensurable. Les manifestants sont prêts à tout pour retrouver leur liberté dans leur pays et ne semblent pas vouloir arrêter de manifester partout et quand il le faut pour faire savoir leurs revendications et leurs aspirations, tout en étant conscients que ce sera peut-être leur dernière action, risquant à tout moment de se faire tuer par la police.
Et, en effet, on peut bien considérer que ces manifestations sont le signe d’une révolution dans la mesure où les manifestants sont convaincus que le régime n’est pas réformable et qu’il faut donc tout faire pour le faire s’écrouler afin d’obtenir ce qu’ils veulent. De plus, de nombreux manifestants reprennent des symboles importants des soutiens du Shah pendant la Révolution islamique de 1979, comme par exemple les turbans arrachés de la tête des Mollah (les personnalités religieuses) par les manifestants eux-mêmes. Ceci nous confirme bien qu’un mouvement de révolution pourrait être en route en Iran pour mettre un terme à la République islamique. Il est nécessaire de préciser qu’en réalité, les enjeux de ces manifestations vont bien au delà des frontières de l’Iran dans la mesure où cela donne aussi espoir aux populations des pays aux alentours, où l’islam politique est de mise. En effet, ce mouvement de protestations contre l’islam politique s’inscrit dans une période où celui-ci est de plus en plus critiqué et en péril (voire a déjà échoué) dans certains pays à proximité comme la Syrie, l’Egypte ou encore la Libye où les Frères Musulmans (Sunnites) n’ont pas réussi à installer de manière pérenne l’Islam politique. Dans le monde chiite, dont l’Iran fait partie, le futur de l’islam politique est incertain du fait notamment des manifestations qui mettent en danger le pouvoir. On peut se demander, dans le cas où les manifestants iraniens arrivent à leurs objectifs, si ce processus de manifestations et révolutions ne pourrait pas alors s’étendre dans d’autres pays comme le Yémen et le Liban avec pour conséquence de mettre également fin à l’islam politique dans ces pays. Ainsi, il ne faut pas considérer les manifestations en Iran uniquement comme un processus interne au pays car cela révèle en fait peut-être un mouvement de fond des populations désireuses de liberté, ne voulant plus être contraintes par le gouvernement et protestant contre l’islam politique.
Les évènements récents ont montré en quoi ces manifestations nous touchaient également, nous, en Europe puisque par exemple des citoyens dénoncent les Etats les accusant de ne pas prendre de position assez nette sur la question et parce que certains ressortissants se sentent impuissants face à ce qu’il se passe dans leur pays. Les décès de manifestants ont provoqué une grande vague d’émotion sur les réseaux sociaux notamment par la publication de messages de soutien ou également de vidéos de femmes qui se coupent les cheveux en soutien aux femmes iraniennes qui subissent une pression insupportable dans leur pays. Pour preuve irréfutable, le 26 décembre, un Iranien de 38 ans, étudiant à Lyon, après avoir enregistré une vidéo pour expliquer son geste, s’est suicidé en se jetant dans le Rhône pour dénoncer la situation dans son pays et essayer de faire réagir l’opinion publique et les états occidentaux sur les souffrances qu’endure le peuple iranien.
Article rédigé par Lucie GUEDON
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