22 Mar
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Ousmane Sonko, l’opposant principal au gouvernement du Président Macky Sall

En janvier 2014, Ousmane Sonko, alors Secrétaire général honoraire du Syndicat Autonome des Agents des Impôts et Domaines (SAID) qu’il a créé, fonde le parti politique PASTEF, ou Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité. L’objectif : créer une dynamique rassemblant plusieurs jeunes fonctionnaires sénégalais afin d’insuffler un vent de renouveau dans la vie politique sénégalaise. Rapidement, le parti, critique vis-à-vis du Président sénégalais Macky Sall - à la tête du pays depuis 2012 et réélu en 2019 -, se lance dans les élections législatives de 2017 et la campagne présidentielle deux ans plus tard. Très populaire auprès des jeunes Sénégalais dans un pays dont les moins de vingt ans représentent 55% de la population, Ousmane Sonko est parvenu à mener son parti jusqu’à la troisième place aux élections présidentielles en 2019, derrière l’ancien Premier ministre Idrissa Seck et le Président réélu Macky Sall.

Ce sont les critiques sévères d’Ousmane Sonko vis-à-vis du Président Macky Sall qui lui ont valu sa célébrité : fortes critiques de la politique budgétaire et fiscale du pays, accusations de malversations dans son livre Pétrole et gaz au Sénégal. Chronique d’une spoliation, l’ancien inspecteur des impôts se positionne en opposant dénonciateur de la corruption et du gouvernement de Macky Sall.

Crime ou «  tentative de liquidation politique »?

Début février 2021, une plainte est déposée au commissariat à Dakar contre le meneur de l’opposition pour  « viols et menaces de mort ». Ousmane Sonko nie et accuse le Président Macky Sall de chercher à nuire à ses chances de gagner les élections présidentielles de 2024. Il va même jusqu’à affirmer qu’il ne se rendra pas aux convocations judiciaires qui lui seront adressées, dénonçant une justice qu’il qualifie de viciée.

 Mais l’invocation de l’immunité parlementaire - dont il bénéficiait en tant que député PASTEF - ne suffit pas à le défendre, car le 26 février 2021, les députés votent en faveur de sa levée. N’étant plus protégé dans le cadre de ses fonctions, Ousmane Sonko est arrêté le 3 mars, mis en garde à vue, puis inculpé le 8 mars en étant relâché sous contrôle judiciaire.

Son arrestation a été le catalyseur de révoltes et de manifestations violentes et meurtrières.

Les forces de l’ordre ont été criblées de projectiles par des jeunes et leur réponse fut de tirer à balles réelles, les tribunaux ont également essuyé des attaques et des enseignes françaises telles que Total, Eiffage ou encore Auchan ont été particulièrement ciblées.

De plus, ces émeutes ont des conséquences sur le quotidien des sénégalais : internet a été ralenti et plusieurs applications de réseaux sociaux et d’échanges ont vu leur accès restreint, comme ça a été le cas pour Whatsapp.

Ce ralentissement n’a cependant pas empêché les Sénégalais mais aussi leur importante diaspora, notamment en France, de se mobiliser pour médiatiser à l’échelle mondiale l’arrestation de Ousmane Sanko et la répression policière. Pour rappel, au moins 400 manifestants ont été emprisonnés après une arrestation arbitraire. Ainsi, le hashtag #FreeSenegal a été le plus populaire sur Twitter le vendredi 5 mars et l’image du Sénégal, jadis “îlot de stabilité” dans la région, en a pâti sur différents plans.

Ces manifestations et émeutes semblent n’être que la résultante d’un recul de la démocratie dans le pays qu’on avait pu surnommer le “Saint-Siège de la démocratie en Afrique”. L’affaire Sonko est celle qui a poussé les citoyens à sortir exprimer leur mécontentement dans la rue, mécontentement latent depuis le premier mandat de Macky Sall selon deux chercheurs du think tank Wathi.

 L’affaire Karim Wade en 2015 ou l’affaire Khalifa Sall en 2017 - ancien maire de Dakar qui, tout comme d’autres maires proches du parti au pouvoir, ou encore différents ministres accusés de corruption, n'ont jamais été inquiétés par la justice -, tous ces faits passés ne sont que des preuves que “la justice est inféodée à l’exécutif” pour reprendre la formule du rédacteur en chef à TV5 Monde, Ousmane N’diaye.

Autre facteur aggravant de cette crise : l’importance des inégalités. Comme le suggère la loi de Kuznets, l’enrichissement du Sénégal ne s’est pas fait sans accroissement des inégalités. Le fossé entre les élites et les plus pauvres voire même la classe moyenne n’a fait que grandir. Ces inégalités criantes, Ousmane N'diaye les décrit : « Quand on va dans certains quartiers de Dakar, on a l'impression d'être à New York ou à Paris. Pourtant, les gens ont faim. Il y a un grand écart entre l'élite et la population ». Or cela est un facteur de violence supplémentaire dans ces émeutes où des supermarchés ont été pillés.

Prospective 2024

Le sujet du troisième mandat a toujours posé problème en Afrique de l’Ouest. Impensable dans certains pays, comme en Mauritanie ou au Niger, il est un sujet de controverse dans d’autres : en Côte d’Ivoire, le Président Alassane Ouattara a été réélu pour un troisième mandat en octobre 2020 après d’importantes manifestations à Abidjan.

 Au Sénégal, le troisième mandat devrait être une question réglée. La révision constitutionnelle du 20 mars 2016 dispose que le mandat présidentiel dure cinq ans et limite le nombre de mandats consécutifs au nombre de deux. Le Président Macky Sall lui-même a dit, avant sa réélection de 2017, qu’il s’agissait d’une question tranchée.

Mais depuis son élection en 2019, le sujet est devenu tabou. En octobre 2019, Sory Kaba, haut fonctionnaire, a été limogé par décret présidentiel, quelques heures après avoir affirmé que le Président Macky Sall ne se présenterait pas une troisième fois aux élections présidentielles.

Le Président Macky Sall n’a toujours pas déclaré de position ferme à ce sujet: « Si je dis que je ne serai pas candidat, les membres du gouvernement ne vont plus travailler, chacun va essayer de se positionner. Si je dis que je serai candidat, une vive polémique va s’ensuivre » a-t-il dit dans une conférence de presse le 2 janvier 2020.

Valentine Devimeux et Charlotte Le Roux


Sources :

https://www.amnesty.org/en/get-involved/take-action/justice-pour-les-victimes-de-la-repression-violente-des-manifestations-au-senegal/

https://www.france24.com/fr/afrique/20210313-s%C3%A9n%C3%A9gal-l-opposition-reporte-les-manifestations-et-liste-ses-revendications

https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/senegal/senegal-la-journee-de-manifestation-prevue-samedi-est-reportee_4331463.html

https://www.jeuneafrique.com/1127925/politique/senegal-ousmane-sonko-perd-son-immunite-parlementaire/

http://www.slate.fr/story/205895/afrique-senegal-dakar-democratie-manifestations-revoltes-ousmane-sonko-macky-sall

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