08 Feb
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          Le désormais 46e président des États-Unis, Joseph Biden Jr, a en grande partie fait campagne sur l’environnement, une première pour une course à la présidentielle qui s’est démarquée par un nombre record de candidats démocrates, une concurrence républicaine atypique et in office ainsi qu’un contexte mondial exceptionnel. Aujourd’hui, les États-Unis doivent faire face à quatre crises principales : la crise sanitaire et par suite celle économique, la crise d’équité sociale et enfin la crise climatique. 

« Nous n’avons pas une seconde à perdre pour faire face aux crises auxquelles nous sommes confrontés en tant que nation » a tweeté le nouveau président des États-Unis la veille de son investiture ; fidèle à sa déclaration, il a multiplié les décrets présidentiels dès son arrivée au Bureau Ovale. Retour sur une première semaine chargée pour Joe Biden en matière environnemental.

          Dans un tweet rivalisant de sarcasme et de confiance en sa future victoire, le vice-président de Barack Obama annonçait déjà le 5 novembre 2020 son ambition de rejoindre l’Accord de Paris, façon d’exprimer son ambition d’effacer les décisions passées de son principal concurrent aux présidentielles. C’est chose faite depuis le mercredi 21 janvier 2021, par un décret signé quelques heures à peine après son investiture à la Maison Blanche. 

La réintégration, sous un mois, des États-Unis à cet accord est cruciale à l’échelle mondiale étant donné qu’ils sont responsables de 15% de la pollution mondiale. Le deuxième pays émetteur de gaz à effet de serre reprend ainsi sa promesse de réduire ses émissions de 26% à 28%. 

          La stratégie de Joe Biden apparaît clairement : « réparer les dommages les plus graves » causés par l’administration Trump, à commencer par l’annulation d’une série de mesures de dérégulation prises les quatre dernières années en matière de normes environnementales. Le nouveau président compte bien faire table rase des reliquats de son prédécesseur. Les services et agences de la Maison Blanche doivent réexaminer toutes les mesures prises par Donald Trump ainsi que les modifications de législation au niveau fédéral qui ont nui à la lutte contre le changement climatique, et agir en conséquence pour répondre aux nouvelles lignes directrices de l’administration Biden-Harris.


Zoom : Qui est Gina McCarthy, Conseillère Nationale sur le Climat ?

Afin de l’aider dans son entreprise écologique, le 46e président des États-Unis a nommé, dès décembre dernier, Gina McCarthy au tout nouveau poste de Conseillère Nationale sur le Climat (Head of White House Office of Domestic Climate Policy).

          Gina McCarthy est une personnalité connue et reconnue aux États-Unis concernant les problématiques écologiques. Directrice de l’Environmental Protection Agency (EPA) durant le deuxième mandat de Barack Obama, elle s’est présentée comme véritable chef de fil du Clean Power Plan et a été un pivot pour l’entrée des États-Unis dans l’accord de Paris. Depuis 2020, elle était présidente du Natural Resources Defense Council (NRDC), un groupe de défense environnementale qui a attaqué en justice l’administration Trump plus d’une centaine de fois sur les questions énergétiques et de préservation des espèces en danger.

Mais pourquoi créer ce nouveau poste et quel rôle implique-t-il ?  Comme revendiqué lors des campagnes présidentielles, le nouveau gouvernement démocrate a pour objectif de répondre aux dossiers internes actuels par des solutions basées sur des investissements verts et des innovations durables. Face à l’urgence climatique, Biden compte s’appuyer sur chaque organisme gouvernemental, et non plus exclusivement sur les organismes spécialisés tels l’EPA, ou l’équivalent des ministères de l’intérieur et des énergies. Si ces derniers continueront de réguler les rejets de substances polluantes, il va falloir coordonner 21 directeurs d’agences fédérales pour arriver à endiguer les émissions de gaz à effet de serre. Mener une action gouvernementale interbranche, là est le rôle de Gina McCarthy qui sera en contact direct avec le président et siègera au Conseil National de Sécurité. 

Les divers organismes tels que le Trésor, les Transports, l’Agriculture et les Logements devront désormais s’assurer que les budgets, les décisions et les réglementations encouragent les énergies propres et aillent dans le sens des grands axes du nouveau gouvernement. La Conseillère Nationale sur le Climat préconise donc un temps de pause pour effectuer une révision de chaque service afin de laisser place à des actions concrètes. En clair, elle veut impulser une reconstruction meilleure plutôt que de persévérer dans le modèle actuel qui périclite. 

L’objectif est de répondre aux besoins socio-économiques tout en luttant contre le changement climatique. C’est le cas dans le secteur du bâtiment par exemple : des emplois vont être créés pour la construction d’infrastructures qui permettront d’éviter le gaspillage d’eau et d’énergie. De là, les investissements dans les énergies propres seront encouragés et ce domaine ouvrira d’autres offres d’emploi. 

En effet, l’administration Biden compte s’attaquer à trois des quatre crises actuelles en alimentant la création d’emploi dans divers secteurs sur fond de progrès environnemental.

          Outre cette nomination, Joe Biden a décidé de réinstaurer le White House Office of Domestic Climate Policy et la National Climate Task Force. Par ailleurs, Joe Biden a fait la demande à son ministre de l’Agriculture d’intégrer des pratiques agricoles régénératives dans la législation et les programmes fédéraux, en concertation avec les agriculteurs, et autres acteurs agraires. Il pousse de surcroît à redéfinir les limites et réglementations des parcs nationaux comme celui de Grand Staircase-Escalante, Bears Ears ou encore Northeast Canyons. Justement, une des grandes promesses de campagne de Biden a été la question de la révocation du projet de l’oléoduc Keystone XL qui aurait eu des conséquences catastrophiques sur la biodiversité.

Zoom : La révocation de l’oléoduc Keystone XL

La Keystone XL pipeline, ou KXL, est un oléoduc qui relie actuellement l’Alberta et la côte ouest de la Colombie Britannique au Canada. Il a longtemps été au centre de revendications environnementales, sanitaires et de droits civils sur fond de changements politiques radicaux du côté étasunien.

KXL est en fait une extension du réseau d’oléoducs Keystone, opérationnel depuis 2010. En 2015, l’administration Obama avait mis son veto à ce projet, mais tout juste investi, Donald Trump a contrecarré cette mesure en signant un décret qui permettait à Keystone d’étendre son réseau d’oléoducs de l’Alberta jusqu’aux raffineries texanes où 830 000 barils journaliers de pétrole de sable bitumineux auraient été traités. Exactement quatre années plus tard, Joe Biden a profité de son premier jour in office pour révoquer l’autorisation donnée par son prédécesseur à cet oléoduc transfrontalier, décision saluée par le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres.

En effet, au-delà des nombreuses protestations citoyennes, l’oléoduc Keystone XL endommagerait la faune et la flore, notamment les nombreuses espèces en danger, qui se trouvent le long des 1931 kilomètres du tracé prévu. Il transporte un certain type de pétrole brut, les sables bitumineux prélevés sous les forêts boréales canadiennes, qui sont particulièrement polluants à cause de la déforestation, des rejets de produits toxiques et des émissions de gaz à effets de serre lors de l’extraction – la production d’un baril de pétrole de sables bitumineux rejette trois fois plus d’émission de GES qu’un baril classique –, et ce sans compter les potentielles fuites. Comme le souligne la nouvellement appointée Conseillère Nationale sur l’environnement, cet oléoduc est contraire à l’objectif de transition bas-carbone de la nouvelle administration, il ne crée pas d’emplois à long-terme et surtout, il ne répond pas à un besoin urgent d’énergie. Biden s’est d’ailleurs dit prêt à essuyer des protestations dès le début de son mandat afin de repartir sur des bases plus saines.

Néanmoins, cette première mesure choc paraît surtout symbolique au grand dam des militants qui auraient aimé voir cette révocation comme le premier remous d’une vague d’annulation de construction et/ou d’utilisation d’autres oléoducs comme c’est le cas pour l’oléoduc Dakota Access vivement critiqué par les natifs américains Standing Rock Sioux, malgré un appel à une révision complète du tube aux normes environnementales par une cour d’appel fédérale – qui refuse sa fermeture tant que le rapport n’est pas rendu – pas plus tard que la semaine dernière.

À l’avenir, l’administration Biden devra veiller à fournir des détails concrets de l’implémentation et de l’avancement de ses mesures et à en garantir une transparence pour voir si elles s’avèreront concrètes ou non, avec un réel passage du discours aux actes. Reste à constater si, en définitive, ces mesures amorcent un véritable changement de cap de la politique étasunienne qui se traduira par des effets sur chaque agence fédérale et sur le quotidien de ses citoyens.

Valentine Devimeux, 04/02/2021

Sources :

https://www.lemonde.fr/joe-biden/

https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210121-joe-biden-annonce-le-retour-des-%C3%A9tats-unis-dans-l-accord-de-paris-sur-le-climat 

Interview de Gina McCarthy, un « Climate Talk » live sur l’Instagram de FutureEarth

https://www.washingtonpost.com/climate-environment/2020/12/15/gina-mccarthy-climate-change-czar-biden/ 

https://www.nrdc.org/stories/what-keystone-pipeline https://abcnews.go.com/US/wireStory/buoyed-keystone-xl-pipeline-opponents-biden-act-75595940 


Images : 

https://meaww.com/joe-biden-faces-flak-over-flurry-of-exec-orders-conservatives-slam-him-dictator-of-america https://www.nrdc.org/experts/gina-mccarthy/2020-ends-we-still-need-all-hands https://www.nrdc.org/stories/what-keystone-pipeline

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