Journée de la femme 2019, entre initiatives et activisme
« Penser équitablement, bâtir intelligemment, innover pour le changement », telle est la devise d’ONU Femmes en ce 8 mars 2019. Cette déclaration de la directrice exécutive d’ONU Femmes, Phumzile Mlambo-Nacuka, invite à l’innovation et à la pensée équitable, pour atteindre le but de l’Agenda 2030 pour le développement durable des Nations Unies : une « planète 50-50 » où l’égalité des genres serait garantie en tout point. Retour sur les initiatives et l’activisme en faveur des droits des femmes.
Des initiatives intergouvernementales, nationales et locales qui ont fait bouger les choses en 2019
L’ONU lance des initiatives comme l’African Girls Can Code Initiative
A l’échelle internationale, ONU Femmes propose de rencontrer les filles africaines qui codent pour faire la différence.
Kharyrath Mohamed Kombo, 15 ans, seule fille de son club de sciences à l’école, à Dar-es-Salaam en Tanzanie, participe avec plus de 80 autres filles du continent africain au premier camp de coding à Addis Abeba en Ethiopie. Ce camp cherche à faire connaitre la littérature digitale, le coding aux jeunes filles. Elles apprennent à programmer, créer et designer. Eno Ekanem, une nigérienne de 15 ans explique que “les filles font face à la discrimination dans le secteur, parce que la science informatique a toujours été vue comme une matière pour les garçons, pas pour les filles. » « Tu ne devrais pas plutôt apprendre à être une femme au foyer ou faire des trucs de fille ? ». En effet, en Afrique seulement 18.6% des femmes utilisent Internet, contre 24.9% des hommes.
Eno Akanem et son groupe travaillent sur le développement d’un drone pour distribuer des médicaments dans les zones défavorisées.
Les participantes acquièrent des savoirs et compétences pour commencer une carrière dans les technologies d’information et de communication. Elles apprennent également sur l’entreprenariat, afin d’assurer leur sécurité financière.
Pour Letty Chiwara, la représentante d’ONU Femmes en Ethiopie, « S’il n’y a pas assez de femmes dans la quatrième révolution industrielle, nous n’aurons pas la variété de solutions nécessaires aux femmes et aux filles. » L’African Girls Can Code Initiative projette d’inclure plus de 2 000 filles à travers 18 camps de coding en Afrique.
A l’échelle nationale, l’Islande impose l’égalité des salaires
A l’échelle nationale, l’Islande est un exemple à suivre, car depuis le 1er janvier 2019, les entreprises de plus de 25 salariés doivent être en mesure de prouver qu’un homme et une femme gagnent le même montant pour le même poste. Cette nouvelle réforme concerne 1 180 sociétés islandaises et 147 000 salariés. Celles qui ne respecteront pas la loi pourront se voir infliger une amende allant jusqu'à 400 euros par jour.
Des mouvements régionaux empêchent les mariages d’enfants en Inde
A l’échelle locale, En Inde, c’est Malti Tudu, âgée de 20 ans qui fait avancer les choses en invitant son pays à mettre fin au mariage des enfants. À l’échelle mondiale, on estime que 650 millions de femmes et de filles actuellement en vie ont été mariées avant l’âge de 18 ans. Le mariage d’enfants entraîne souvent des grossesses précoces, interrompt la scolarité, limite les chances des filles et accroît leur risque d'être victimes de violences domestiques. Malti Tudu organise des rencontres avec les parents des enfants et préconise le boycott des mariages d’enfants. Grace à des femmes comme elle, plus de 2800 femmes participent aujourd’hui en Inde à ce genre d’activité et tentent d’éviter des mariages précoces.
Les femmes se lèvent : l’activisme qui donne la parole aux femmes
Si la première Journée internationale de la femme a rassemblé plus d’un million de personnes en 1911, cet engouement ne s’est pas perdu plus d’un siècle plus tard. Les dernières années ont été celles d’un activisme fort des femmes dans le monde, de #MeToo à #NiUnaMenos, en passant par #NousToutes et #BalanceTonPorc. De fait, des mouvements féministes importants se sont créés dans le monde entier, et englobent de plus en plus de personnes, hommes comme femmes, afin de lutter contre les inégalités. Quelques exemples des grands soulèvements des femmes en 2018.
L’Iran lance le #MyCameraIsMyWeapon contre le harcèlement
Après les protestations de nombreuses femmes Iraniennes contre le port obligatoire du voile, le harcèlement et l’humiliation publique font partie du quotidien de ces femmes. Les Iraniennes ont décidé de faire face à la police des mœurs et aux insultes des passantes via leur téléphone portable. Elles enregistrent les scènes d’agression et les postent sur twitter suivies du hashtag #MyCameraIsMyWeapon, « ma caméra est mon arme ». Ainsi, elles exposent le harcèlement dont elles sont victime et reçoivent le soutien de femmes du monde entier. https://www.facebook.com/NowThisHer/videos/1256944707769735/?t=4
Une chaine humaine d’Indiennes pour les droits des femmes
Plus de 3 millions de femmes ont participé à la création d’une chaine humaine longue de 620 kilomètres le long des routes du Kerala. Ce « mur de femmes » s’est érigé pour défendre les droits des femmes, suite à l’entrée de deux femmes dans le temple Sabarimala qui avait crée polémique peu de temps avant. En effet, l’accès au temple pour les femmes âgées de 10 à 50 ans est interdit par les autorités religieuses, alors que des millions d’hommes s’y rendent chaque année en pèlerinage. En Septembre 2018, la Cour suprême du pays a déclaré l’interdiction illégale. Mais cette décision reste contestée par les traditionalistes du pays, notamment le parti nationaliste au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP). Suite à l’inscription de 700 femmes à ce pèlerinage se déroulant d’octobre à janvier, des milliers de personnes se sont mobilisées pour leur barrer l’entrée au temple. Lorsque deux femmes ont pénétré sous protection policière dans le temple Sabarimala, des manifestations ont éclaté dans le pays entier. C’est pourquoi, 3 millions de femmes se rejoignaient le 1er janvier 2019, pour soutenir, comme le Parti du congrès de Rahul Gandhi, ces femmes courageuses qui réclament leurs droits.
La France s’indigne face aux violences faites aux femmes
Le 24 novembre dernier, veille de la journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes, plus de 50 000 personnes étaient dans les rues en France. La création du mouvement #NousToutes (https://twitter.com/Nous_Toutes ), qui entend « passer du témoignage à l’action » vient rebondir sur #MeToo qui avait fait progresser de 23% le nombre de cas de violences sexuelles signalées à la police. En France, en 2016, 123 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-compagnon, soit environ une tous les trois jours. Chaque année, près de 220.000 femmes subissent des violences de la part de leur conjoint ou ex-compagnon, selon des chiffres 2017 officiels. En outre, plus de 250 femmes sont violées chaque jour, et une sur trois a déjà été harcelée ou agressée sexuellement au travail. C’est pourquoi le combat continue pour de nombreux français, qui entendent bien ne pas laisser passer les violences, et les inégalités encore subies par les femmes.
Le Chili dans la rue en juin 2018
C’est le Chili qui le 6 juin 2018, a vu 100 000 femmes défiler dans les rues de Santiago avec un mot d’ordre « Nous sommes toutes victimes de la précarisation : étudiantes, migrantes, mères et travailleuses dans la rue !”. En effet, le pays est en retard sur de nombreux points concernant l’égalité femme-homme. Le droit au divorce n’a en effet été reconnu qu’en 2004 au Chili. Et c'est seulement en 2017 que l'Etat a adopté le droit à l’avortement, limité dans les cas où la vie de la mère est menacée, où le fœtus n'est pas viable, ou s’il fait suite à un viol. D'autant plus que dans ce pays d'Amérique latine, le harcèlement sexuel n’est puni par la loi que dans le cadre des relations de travail. Etudiantes, mères de familles, travailleuses et migrantes sont sorties dans les rues pour défendre leurs droits notamment celui de l’accès garanti et gratuit à l’éducation et la fin de l’impunité pour les violeurs et agresseurs.
Les algériennes disent non à un régime d’oppression
Wissem est un exemple de ces milliers de femmes algériennes qui ont rejoint les rues pour lutter contre un 5ème mandat de Bouteflika. En effet, les algériennes viennent dénoncer un régime qui opprime les femmes et invisibilise les violences sexistes. Pour Wissem « Nous sommes doublement opprimées que ce soit dans le monde du travail en occupant les postes précaires, ou encore dans la vie sociale en étant sous l’emprise des hommes et des idées rétrogrades et misogynes véhiculées par la société. ». Malgré l’instauration de l’égalité des droits en devoirs de tous les citoyens dans l’instance suprême de l’Etat algérien, les mentalités continuent à attribuer à la femme un role de soumission et d’obéissance. Par ailleurs, le gouvernement a également remis en cause les acquis des femmes travailleuses en s’attaquant aux congés maternité afin d’en diminuer la durée légale.
L’Irlande dénonce l’impunité des violences faites aux femmes
En novembre dernier, l’acquittement d’un homme de 27 ans accusé de viol sur mineur a résonné dans toute l’Irlande. Celui-ci a été acquitté et son avocate évoquait le port d’un string en dentelle de la victime. Suite à cette décision, une ruée de photos de sous-vêtements accompagnés du hashtag #ThisIsNotConsent, « ce n’est pas du consentement ». Une député socialiste, Ruth Coppinger a rejoint la cause, affirmant au Parlement irlandais que des sous-vêtements ne constituent pas une preuve. Elle a par la suite publié sa lingerie sur twitter en affirmant que #ThisIsNotConsent(https://twitter.com/RuthCoppingerTD/status/1062356498246983681). Des rassemblements se sont tenus à Limerick, Waterford et Belfast pour dénoncer la culture du viol.
Faire connaitre ces femmes qui marquent l’histoire
Tel est l’objectif d’ONU Femmes, faire connaitre ces femmes qui ont changé et changent encore l’histoire. Les récits de femmes du monde entier sont disponibles pour la journée de la femme (http://interactive.unwomen.org/multimedia/campaign/unheardwomen/index.html). Exemple d’une femme remarquable : Leymah Gbowee.
Leymah Gbowee est une Libérienne activiste de la paix dans son pays et des droits des femmes. Elle est à l’origine d’une « grève du sexe » durant laquelle les femmes libériennes se refusaient aux hommes tant que les hostilités se poursuivaient. Cette grève a obligé Charles Taylor à associer les femmes aux négociations de paix. Elle est dirige un mouvement non-violent qui réuni des femmes musulmanes et chrétiennes et a joué un rôle central dans la fin de la guerre civile au Liberia. Avec Ellen Johnson Sirleaf, l’ancienne présidente du Libéria et Tawakkol Karman, elle obtient le prix Nobel de la paix en 2011 pour avoir « mobilisé et organisé les femmes au-delà des lignes de division ethniques et religieuses afin de mettre fin à une longue guerre au Liberia et assurer la participation des femmes aux élections ».
« Le mouvement pacifiste des femmes Libériennes a démontré au monde que les mouvements de base sont essentiels au maintien de la paix, que les femmes en situation de meneuses sont des courtières efficaces en faveur de la paix, et l'importance des mouvements de justice sociale culturellement pertinents. L'expérience du Liberia est un bon exemple pour le monde que les femmes — en particulier les femmes africaines — peuvent être pilotes de paix » Leymah Gbowee
#WomenDay #JournéeDeLaFemme
Sarah d'Anjou